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Revue de presse

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Les maux de la santé mentale au Maroc – Telquel

La santé mentale, encore mal connue et souvent stigmatisée, est la priorité numéro 2 du ministère de la Santé. Si les associations se félicitent de la prise de conscience, les mesures concrètes tardent à venir.

La schizophrénie touche 1 % de la population, la dépression plus d’un quart. Des chiffres impressionnants qui ont poussé le ministère de la santé à déclarer la santé mentale problème de santé publique et à la placer au sommet de ses priorités, après les urgences. Le 10 octobre est la journée mondiale de la santé mentale, l’occasion de faire le tour des problèmes quotidiens que rencontrent les patients et leurs familles et les progrès réalisés en matière de prise en charge.

A écouter les malades et leurs proches, le problème dont ils pâtissent le plus est la stigmatisation. « Ces maladies sont mal acceptées par la société, comme partout dans le monde d’ailleurs. Les schizophrènes ne sont pas des personnes dangereuses, ils ne viennent pas d’une autre planète », nous explique Fouad Mekouar, de l’Association marocaine pour l’appui, le lien, l’initiation des familles des personnes souffrant de troubles psychiques (Amali).

Cette stigmatisation entraîne alors inévitablement une exclusion de ces malades, qui ont beaucoup de mal à s’insérer dans la société en général, et à trouver un travail en particulier. D’après les associations, soit il n’existe pas de postes adaptés, soit les personnes sont licenciées lorsque l’on se rend compte de leur état de santé. Quand elles ont la chance de travailler, elles ont encore beaucoup de difficultés à s’intégrer dans l’équipe : « Il y a comme un regard ségrégationniste. Au début c’était très dur pour moi, ils te regardent un peu comme une débile. Mais je le supporte maintenant », nous confie Amal Moutrane, de l’association marocaine des usagers de la psychiatrie (Amup), sous traitement depuis 1982.

Des coûts exorbitants pour les familles
Ces maladies peuvent être perçues comme honteuses par les proches eux-mêmes : « Il y a des tas de gens qui ont des personnes malades avec eux mais qui les cachent, qui n’acceptent pas la maladie. Ils attendent alors six mois voire un an pour s’adresser à un médecin », nous raconte Fouad Mekouar. Il faut dire aussi que certaines maladies mentales nécessitent des traitements très couteux, un souci de plus pour beaucoup de personnes. « Pour la schizophrénie, il s’agit d’un coût entre 2 000 et 3 000 dirhams, entre les traitements et la consultation mensuelle chez le psychiatre. C’est un sacrifice pour certains parents. Surtout que la continuité du traitement est essentielle, l’arrêt peut-être dramatique », nous explique Amina Bencheki, vice présidente de l’Amali.

Comme la psychiatrie est une spécialité très peu rentable, et que leur statut leur permet, certains CHU facturent les consultations lorsqu’il existe des établissements proches pour prodiguer les mêmes soins ou diagnostics. Le médecin psychiatre Youssef Mohi nous explique que « Si le patient n’est pas en mesure de s’acquitter de la consultation on l’oriente vers le centre de santė dont il dépend pour sa prise en charge gratuite. »

Pourtant, l’article 21 de la loi sur la santé mentale stipule bien que « les soins et les médicaments nécessaires au traitement du malade placé sous surveillance médicale, lorsque celle-ci est exercée par un médecin de la santé publique, sont à la charge de l’État ».

Aussi, la santé mentale peut avoir de graves conséquences sur le moral des proches. La famille est rarement préparée, souvent très peu informée sur la maladie. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’est née l’association Amali. Elle propose des programmes pour former les proches, à communiquer avec la personne schizophrène notamment : « Sinon on rentre dans un rapport de force, on croit qu’il est paresseux […] d’un autre côté on ne peut pas tout lui laisser passer, ce n’est pas parce qu’il est malade qu’il peut faire la loi à la maison », précise Amina Bencheki.

Des asiles à la place des hôpitaux
En 2012, le CNDH a rendu compte de ses observations après avoir réalisé des visites dans les hôpitaux. Le rapport est accablant. Parmi les nombreux problèmes pointés du doigt, le manque de moyens. Les services spécialisés pour accueillir ces patients ne sont pas assez nombreux et les spécialistes pour les traiter non plus (psychiatres, infirmiers spécialisés, etc.). Certains équipements sont inadaptés, des établissements insalubres. Normal, « certains établissements datent de l’ère coloniale », nous raconte Youssef Mohi, psychiatre. Le CNDH évoque par exemple les chambres d’isolement qui sont parfois totalement obscures. Parmi celles visitées, aucune ne correspondait aux critères internationaux. Certaines structures « présentent un caractère beaucoup plus asilaire qu’hospitalier », lit-on dans le rapport qui parle d’« isoloir inhumain ».

La même année, le ministère s’empare du problème, et donne une large place à la santé mentale dans sa stratégie sectorielle 2012-2016. En effet, beaucoup de moyens sont alloués, et l’ensemble des associations contactées s’en félicitent. Problème : les effets tardent à se faire sentir. « L’État est beaucoup plus sensible, les budgets sont plus conséquents, mais les résultats ne sont pas visibles », prétend Fouad Mekouar.

Les objectifs pour 2016 loin d'être remplis

Pour exemple, l’action 86 prévoyait la mise en place d’un programme pour lutter contre le stress au travail, à l’origine de beaucoup de cas de dépression. Pour le moment, aucune mesure n’a été prise pour aller dans ce sens, nous confie une source du ministère proche du dossier. In fine, le ministère projette d’avoir un psychiatre pour 100 000 habitants. Il espérait donc déjà former 30 nouveaux psychiatres l’an dernier, mais il a là aussi échoué. Le nombre d’infirmiers spécialisés dans les maladies mentales, a lui par contre augmenté depuis 2012.

Aussi, le plan prévoyait la construction de trois hôpitaux régionaux spécialisés, à Agadir, Kénitra et El Kelââ. Pour le moment, aucun n’est encore sorti de terre mais « les travaux devraient commencer à la fin de l’année », nous assure-t-on au ministère. A noter que la stratégie avait pris en compte les recommandations du CNDH et de l’OMS qui préconisent l’instauration de services spécialisés intégrés dans les hôpitaux (vingt lits maximum) plutôt que la création d’hôpitaux spécialisés, pour éviter encore une fois la marginalisation des malades. Plusieurs de ces antennes ont par contre déjà été créées.

8èmes journées francophones de la schizophrénie 
 « Non à la stigmatisation »

Pour dénoncer les conséquences néfastes de la stigmatisation sur les personnes souffrant de schizophrénie et pour permettre aux proches aidant ces malades de sortir de leur isolement, l’association Amali a organisé samedi dernier, une rencontre à Casablanca. Ce fut également l’occasion de présenter les résultats d’un sondage qui révèle la souffrance et les besoins au quotidien des familles de personnes en souffrance psychique.

Le manque d’infrastructures hospitalières et de structures d’accueil est l’un des principaux problèmes auxquels doivent faire face les familles des personnes souffrant de troubles mentaux./DR

L’Association marocaine d’appui, de lien et d’initiation des familles des personnes souffrant de troubles psychiques (Amali), a organisé samedi dernier à Casablanca, les 8èmes journées francophones de la schizophrénie. Les objectifs de cette journée sont nombreux, mais il s’agit surtout d’ouvrir le regard de la société sur la réalité de cette maladie, lutter contre la stigmatisation des malades et sortir de leur isolement des familles confrontées à la maladie de leur proche.
Tenue sous le thème « Promouvoir les droits des personnes qui souffrent de schizophrénie », cette rencontre a été l’occasion de mettre en évidence les conséquences néfastes de la stigmatisation sur les malades, notamment en ce qui concerne leur prise en charge. Une centaine de familles de personnes souffrant de cette maladie du cerveau ont répondu à l’appel de l’association. Ce qui signifie « qu’on a brisé le tabou et que ces familles qui cherchent de l’écoute, du soutien et du réconfort les trouvent dans ces moments d’informations que leur procure l’association », estime Naïma Trachen, présidente d’Amali.

La stigmatisation entraîne une mauvaise prise en charge
Au Maroc, il existe environ 340.000 personnes schizophrènes. La stigmatisation qui vient s’ajouter aux nombreuses difficultés auxquelles doivent faire face aussi bien les malades que leurs proches ne favorise pas une prise en charge adéquate. En réalité, « les conséquences de cette stigmatisation sont nombreuses et s’opèrent à plusieurs niveaux », souligne le Dr Nadia Kadiri.
D’abord au niveau personnel, c’est-à-dire sur le patient lui-même, qui a tendance à ne pas accepter sa maladie et donc à ne pas vouloir suivre ou poursuivre le traitement, ce qui entraîne inévitablement des rechutes. Ensuite, au sein de la famille, dans la mesure où les proches ont tendance à vouloir exclure le malade de la famille. Puis au niveau de la communauté.

« Ce qui m’attriste le plus dans ce cas de figure, c’est de voir que certains médias continuent de véhiculer des messages stéréotypés sur les malades en les assimilant à des personnes violentes et dérangées, ce qui ne fait qu’accentuer la peur vis-à-vis des personnes souffrant de schizophrénie. » DR NADIA KADIRI, PROFESSEURE DE PSYCHIATRIE

Les pouvoirs publics, qui eux aussi devraient jouer un rôle central dans la résolution de cette problématique, ne sont pas d’une grande utilité pour l’heure, dans la mesure où « les schizophrènes ne sont pas considérés comme des personnes productives et au niveau législatif, il n’existe pas encore de texte juridique qui garantisse la protection des personnes souffrant de troubles mentaux », soutient Mme Kadiri. À ce sujet, il est important de mentionner que dans le cadre du plan d’action 2008-2012 du ministère de la Santé, un « projet de réactualisation du Dahir du 30 avril 1959 » (régissant le secteur de la maladie mentale, ndlr) est en cours. Il a d’ailleurs fait l’objet de deux ateliers de concertation organisés les 1er et 2 mars derniers. Et d’après l’association Amali, des dispositions seront prises pour l’élaboration des nouveaux textes de loi.

La souffrance cachée des aidants
Face au manque de structures d’accueil, -le Royaume compte 1.995 lits pour l’ensemble des établissements psychiatriques, dont la majorité concentrés entre Rabat et Casablanca-, ce sont les familles qui prennent en charge les malades pendant presque toute la durée de la maladie. Ces aidants souffrent à leur tour de maladies chroniques, du bouleversement de leurs activités professionnelles, d’une diminution de leurs activités sportives et de leurs loisirs. À cela, il faut ajouter des problèmes financiers liés à un budget médical en augmentation continue.
C’est ce qui ressort du sondage sur le quotidien social et sur les besoins des familles de personnes en souffrance psychique, réalisé par l’Association et présenté au cours de la journée de samedi. Par ailleurs, 68% des familles interrogées affirment ne pas disposer de la couverture sociale tandis que d’autres soutiennent qu’elles ne sont plus remboursées du fait que leur enfant n’est plus scolarisé ou « qu’il n’a plus l’âge ».
Face à cette situation, l’association s’attend entre autres, à une généralisation d’ici fin 2011, du RAMED (Régime d’assistance médicale des économiquement démunis) comme annoncé en février dernier par la ministre de la Santé elle-même. Mais aussi, à la création d’infrastructures d’accueil post-hospitalières parce que la schizophrénie est une « maladie handicapante et que la plupart des malades n’arrivent à rien faire de leur journée et sont entièrement dépendants de leurs parents ».

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